Mathieu PERNOT
Né en 1970 à Fréjus, France.
Mathieu Pernot nous prête son œil pour regarder ce qui ne nous est pas donné de voir habituellement, soit parce que notre société l’ignore volontairement (Les Roms, 1999), soit parce qu’on voudrait que nous les oubliions (les intérieurs pénitenciers et les corps invisibles des détenus, 2001-2002), soit parce que l’absurdité de la situation nous dépasse (Les Hurleurs, 2001-2004). Pas question ici d’influencer notre regard. Au lieu d’enfermer le spectateur dans une interprétation forcément subjective, Mathieu Pernot, par sa discrétion, laisse toute liberté au spectateur.
Il a découvert l’existence d’un fond de photographies anthropométriques d’anciens internés d’un camp de concentration. Ce camp, situé en Camargue, était destiné à l’internement des tsiganes et devait servir de propagande au gouvernement de Vichy. Son travail a consisté à retrouver les survivants, puis à tenter de retracer l’histoire de ce camp, en confrontant les sources administratives à la mémoire vivante des anciens internés. Le projet Un camp pour les bohémiens (publié chez Actes Sud en 2001) associe ainsi la mémoire vivante aux documents d’archive et interroge l’acte de restituer l’histoire de ceux qui ne l’écrivent pas. Il s’attache à repeupler une mémoire, rendre visible un camp d’internement depuis longtemps effacé et dont les nomades-même qui en réchappèrent ne cultivent guère l’image. Ses propres portraits des survivants qu’il a pu retrouver sont frontales : nettes et sans débord, minutieuses jusqu’à mimer leurs doubles policiers, fiches anthropométriques ou relevés topographiques.